Après Ürümqi on se sépare de Clo : on prend le train de nuit pour Lanzhou (兰州, Lánzhōu), elle continue directement jusqu'à Xi'an (où on la retrouvera).

Le bâtiment vitré de la gare centrale de Lanzhou, où se reflètent des tours d'habitation.
Arrivée à la gare de Lanzhou

Ville des routes de la soie (encore une)

Lanzhou est une ville d'importance sur les routes de la soie : elle est située au bord du fleuve Jaune et à l'extrémité est du corridor du Hexi. Toute marchandise (ou agresseur) venant de l'ouest devait donc passer par là et traverser le fleuve avant d'arriver à l'ancienne capitale de la dynastie Han, Chang'an (aujourd'hui Xi'an). Pratique pour se défendre — et pour lever des taxes.

Carte montrant les principales routes de la soie entre Chang'an et Merv entre le 2ème siècle AEC et le 2ème siècle EC. Le corridor du Hexi est mis en valeur, passage étroit entre le plateau tibétain et le désert de Gobi. La ville de Lanzhou se trouve à son extrémité est, au bord du fleuve Jaune.
Tracées en bleu, les principales routes de la soie sous la dynastie Han (202 AEC – 220 EC), de Chang'an à Merv. Lanzhou est en bleu et marquée d'une étoile. Le fleuve Jaune et le corridor du Hexi sont marqués en jaune. Voir la carte interactive sur laquelle Robin a passé beaucoup trop de temps
Une statue de dromadaire chargé de machandises, au bord d'une route à Lanzhou
Comme toute bonne ville des routes de la soie, il fallait que Lanzhou ait une statue de dromadaire.

Lanzhou essaie aujourd'hui de se démarquer. Elle n'est pas qu'une autre ville des routes de la soie, non : elle est la City of Best River ("Ville de Meilleure Rivière").

Une décoration de fausses fleurs rouges au bord du fleuve Jaune, avec l'inscription "City of Best River""

Le fleuve Jaune vu depuis une plage de cailloux au centre de Lanzhou. Sur l'autre rive, des grands immeubles. Sur la droite, un pont routier.
Best River (le fleuve Jaune)

City of Best Noodles

Pour être honnêtes avec vous, à ce moment du voyage, on avait un peu abandonné l'idée routes de la soie1 — ce n'est pas pour ça qu'on est là.

On est là pour un bol de nouilles.

Clara sourit en entamant un bol de nouilles

La soupe de nouilles au bœuf de Lanzhou, ou Lánzhōu lāmiàn ("nouilles étirées à la main") pour les connaisseur·ses, est considérée comme une des toutes premières soupes de nouilles. L'histoire dit que le plat a été inventé par l'ethnie hui musulmane pendant la dynastie Tang (618-907 EC). On trouve aujourd'hui des restaurants de Lánzhōu lāmiàn aux quatre coins du pays, souvent tenus par des Hui, et reconnaissables grâce à leur devanture vert-pomme (couleur associée à la cuisine halal).

L'influence des Lánzhōu lāmiàn a largement dépassé les frontières de la Chine. Le ramen japonais vient des lāmiàn2. Le laghman d'Asie centrale vient des lāmiàn.

Un bol de Lánzhōu lāmiàn bien réparé suit la composition suivante : "un clair, deux blanc, trois rouge, quatre vert, cinq jaune".

  1. clair — Le bouillon doit être clair. Contrairement à d'autres soupes de nouilles plus épaisses, le bouillon des Lánzhōu lāmiàn est léger et doux. Il est à base de bœuf, d'herbes et d'épices.
  2. blanc — Les tranches de radis doivent être blanc comme neige.
  3. rouge — La sauce piquante doit être rouge pétant.
  4. vert — Les herbes aromatiques (oignons verts, coriandre...) doivent être fraîches et vertes
  5. jaune — Les nouilles doivent être jaunes. Il s'agit de nouilles de blé, à l'inverse des soupes de nouilles du sud du pays qui ont tendance à utiliser des nouilles de riz.

Les nouilles (les lāmiàn) sont bien sûr la star du plat. Elles sont étirées à la main : le cuisinier commence avec un pâton, qu'il étire en longueur, et replie sur lui-même. Il se retrouve avec une boucle, qu'il étire, replie sur elle-même, et ainsi de suite. Un peu de math : après six replis, combien y a-t-il de fils entre les mains du cuisinier ?3

10357246
Faute d'avoir trouvé un dessin sur internet, on vous en a fait un. Il omet bien sûr beaucoup de complexité dans le maniement de la pâte, comme la "technique du triangle". Et bien sûr, avant de pouvoir l'étirer, il faut déjà réussir à préparer une pâte suffisament élastique... Voilà une vidéo YouTube (en anglais) qui montre bien la fabrication des lāmiàn.

Après tout ce processus d'étirements et de replis, il y a toujours une seule nouille ! On peut choisir son épaisseur à la commande, souvent parmi huit niveaux allant de "épais" (style laghman) à "fin comme un cheveu". L'épaisseur par défaut est un peu plus fine qu'un spaghetti.

Un bol de Lánzhōu lāmiàn où on voit bien les couleurs prescrites Clara contente avec son bol de Lánzhōu lāmiàn
Lánzhōu lāmiàn numéro 2. Tous en cœur : "un clair, deux blanc, trois rouge, quatre vert, cinq jaune"

Comme vous pouvez l'imaginer, ce n'est pas le plat le plus facile à faire à la maison. Heureusement, comme les nouilles tirées à la main sont devenues très à la mode ces dernières années4, on trouve plein d'explications et de recettes sur YouTube5. Mais ça prend quand même du temps à maîtriser — il y a des écoles spécialisées à Lanzhou qui forment des chefs à faire uniquement des lāmiàn.

Contrairement aux spaghetti, les lāmiàn ne poussent pas sur les arbres.

Manger dans les ruelles

De ce qu'on a pu observer des villes chinoises (après un total de deux villes), pour trouver la meilleure nourriture, il faut quitter les grandes avenues et prendre les petites ruelles.

Une grande avenue de Lanzhou, trois voies dans chaque sens, grands immeubles sur les côtés Pont piéton au-dessus d'une grande avenue, beaucoup de trafic et grands immeubles
Grandes avenues : pour prendre un bus, ou pour marcher d'un point A à un point B le plus rapidement possible.
Vue d'une petite rue chaotique, petits bâtiments, vélos, fils électriques, piétons, magasins, une montagne en fond Deux hommes de dos dans une petite boulangerie préparent des bǐng, petits pains plats fourrés qu'on voit à l'avant de la photo
Ruelles : pour se perdre et tomber sur des petites boulangeries de bǐng.

Le soir, certaines de ces ruelles se transforment même en marchés nocturnes animés. On se rend au marché de la rue Zhengning pour goûter un max de street food. Présentations.

Zhāng yú xiǎo wán zǐ (takoyaki) : snack japonais de la région d'Osaka, des boulettes de poulpe garnies d'algues et de sauce.
Jī dàn hàn bǎo : décrit par le vendeur come le "burger chinois" à l'œuf. À Xi'an on découvrira son cousin, le ròu jiā mó (au bœuf hâché).
Une longue queue devant un stand
Vu la queue à ce prochain stand, on a clairement ici la star du marché. On ne sait pas trop ce que ça va être, mais on se met en file.
Niú nǎi láo zāo : une boisson à base de lait et de riz gluant fermenté. Le twist : un œuf est cassé dedans et cuit dans le lait chaud. On ne voit pas trop pourquoi, à part si l'intention est de faire une boisson plus bizarre, pardon, originale. Servi avec des toppings comme des raisins secs, des éclats de noix et du sésame.
Xīn jiāng kǎo bāo zi (samsa) : comme en Asie centrale ! Ici appelés "petits pains au four du Xinjiang".
Guì huā gāo : gâteau de riz gluant à l'extrait d'osmanthe, jaune pétant et de forme étoilée avant d'être coupé et servi sur une brochette avec de la confiture (non-identifiée).

On aimerait goûter encore plus de choses — des galettes de patates épicées, une sorte de taro transparent, du tofu noir, des chips dans des sacs plastique avec différents mélanges d'épices, des grillades, des briques de tofu au piment, des sortes d'onigiri, des burgers chinois à la viande hachée, des raviolis sautés... mais on n'a plus faim ! Ça sera pour la prochaine fois.

Dans un chaudron, une soupe où baignent des têtes de mouton entières dans beaucoup de piments rouges.
Pas goûté

Dune 2

En dehors de manger, on a fait un total de une — oui, une seule — chose considérée touristique à Lanzhou : traverser le fleuve Jaune pour monter sur la colline de la pagode Báitǎ.

Pont d'acier piéton au-dessus du fleuve Jaune, du monde traverse dans les deux sens Un temple aux toits courbés, avec en fond des grandes barres d'immeubles Une pagode de briques et quelques personnes qui prennent des photos
Le pont Zhongshan, premier pont sur le fleuve Jaune, construit en 1909. Un temple sur la montée. La pagode Báitǎ en haut.

C'est tout ce qu'on a à dire dessus.

Beaucoup plus intéressant : on a été au mall.

Un magasin officiel Crocs dans un mall au sol qui brille de propreté
Au mall, des magasins de mode

En fait, on voulait surtout s'abriter de la chaleur de l'après-midi dans un endroit climatisé. Et on s'est rendu·es compte que Dune 2 est sorti au ciné. Ça sera parfait.

...sauf que le ciné en Chine, c'est compliqué.

On arrive devant la caisse, demande deux places à la vendeuse. "Vous avez l'application ?" Quoi ? Non, mais on est juste là, on ne peut pas juste acheter des billets ?

Apparemment pas.6

Notre carte eSIM choisit ce moment pour perdre la connexion internet, donc pas de réseau pour installer l'appli. Une vendeuse nous partage sa connexion et nous aide à l'installer et à s'inscrire, c'est toute une histoire, tout est en chinois, il faut un numéro de téléphone local et on n'en a pas (elle met son propre numéro).

Finalement on arrive à sélectionner les places... et au moment de payer, notre carte étrangère est rejetée (cartes chinoises uniquement). On commence à désespérer, mais à ce moment, un monsieur qui était là prend des places pour nous, et on le rembourse directement via Alipay. On se cramponne à nos petits billets papier jusqu'à l'heure de la séance.

Devant le ciné, des petites cages de verre où somnolent des petits chats de race, leur prix indiqué sur des étiquettes
En attendant votre film, vous pouvez acheter un chaton.

Selfie sur nos sièges de ciné, Clara tient nos billets à la main

Le film était en V.O. (anglais). Mais les dialogues en fremen (langue fictionnelle de l'univers de Dune) n'étaient sous-titrés qu'en chinois. On a plus ou moins compris.

On sort de la salle et du mall, récupère nos sacs à l'hôtel, et prend notre prochain train de nuit pour Xi'an.

— robin & clara

Footnotes

  1. Comme on l'écrivait dans C'est terminé, le concept est tellement vague et tellement surexploité pour le tourisme que l'idée de "suivre les routes de la soie" nous paraît assez vide de sens. On laisse l'expression aux agences de voyage.

  2. Les expert·es sur Wikipédia disent que si le terme "ramen" est en effet dérivé de "lāmiàn", le plat lui-même est en fait originaire des nouilles tangmian de Guangzhou (sud-est de la Chine), d'où venaient la majorité des habitants du Chinatown de Yokohama, où le ramen aurait vu le jour au début du XXème.

  3. Réponse : 64

  4. En tout cas à Berlin.

  5. On recommande celle de Andong (en anglais) qui explique très bien le secret de l'élasticité de la pâte.

  6. Ça ne nous étonne qu'à moitié : on avait tout de suite remarqué l'amour des Chinois·es pour leurs applications à notre arrivée à Ürümqi.

Commentaires

Les commentaires ne sont pas disponibles actuellement. Pour nous répondre ou pour réagir à l'article, envoyez-nous un email !