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Une journée à Dimitrovgrad, Bulgarie
Guide touristique à l'usage des voyageuses et voyageurs coincé·es à Dimitrovgrad jusqu'au départ du prochain train pour Istanbul
Vous n'avez pas pu avoir une place dans le train pour Istanbul ? Voyez le bon côté des choses : vous avez l'opportunité unique de passer vingt-quatre heures à Dimitrovgrad, 30'000 habitants, ville vitrine de la Bulgarie socialiste.
Dimitrovgrad, ville créative
Au matin, première impression de la ville : les blocs soviétiques décrépis historiques, qui vous paraissaient si mornes de nuit, sont en réalité créatifs et colorés ! Il y a de l'originalité, de la personnalité, de la joie.
Dimitrovgrad est une ville nouvelle, planifiée et construite principalement entre 1947 et 1950, comme on le verra plus loin. L'agencement des rues et des immeubles est donc agréablement géométrique, et saura séduire les esprits les plus mathématiques parmi vous.
Il y a par exemple le boulevard Bulgaria, une allée centrale bordée d'arbres et de statues, qui donne tout droit sur le magnifique hôtel de ville.
Au pied de l'hôtel de ville, un bâtiment circulaire est couronné d'une œuvre d'art public : une fresque qui retrace l'histoire du pays, et met à l'honneur les travailleurs et travailleuses — 50'000 personnes ont travaillé bénévolement sur le chantier de Dimitrovgrad.
La meilleure façon d'apprécier la ville et ses arts est de s'y promener et de s'y perdre. Pas d'inquiétude, on entend ici "se perdre" métaphoriquement : avec le quadrillage des rues, il y a peu de risques.
Dimitrovgrad, ville verte
Un autre attrait majeur de Dimitrovgrad est ses espaces verts. Les parcs sont essentiels pour que les habitants restent en bonne santé, et puissent ainsi assouvir leur plus grand plaisir le plus longtemps possible : le travail.
On s'y retrouve aussi en famille le dimanche pour faire un pique-nique :
...ou y admirer des statues de camarades inspirants, une belle occasion de parler des bienfaits du socialisme aux enfants :
Dans le parc Vaptsarov, il y a un petit zoo. Naturellement ce n'est pas le zoo le Moscou, mais on y trouve néanmoins des ours, des biches, des chèvres, de nombreux oiseaux, et des petits lapins. Les enfants adorent, et les animaux aussi : ça se voit à la façon dont ils s'approchent des grilles quand on passe, comme s'ils pensaient qu'ils allaient être nourris. Heureusement, même s'ils ne s'approchaient pas, on les verrait très bien, puisque les enclos sont petits. Tout est pensé pour optimiser le plaisir du visiteur.
Récemment, la ville de Dimitrovgrad a aussi investi dans de nouvelles attractions amusantes pour plaire aux touristes du Bloc de l'Ouest occidentaux qui pourront s'y prendre en photo : un grand banc, une grande table, et une grande chaise.
Comme il s'agit d'attractions phares, elles sont très bien indiquées, et vous n'aurez pas de difficulté à les trouver :
Dimitrovgrad, ville de connaissances
Dimitrovgrad sait aussi quand le loisir doit laisser place à l'érudition : la ville dispose de deux musées.
Au musée d'histoire, on trouve trois expositions : au rez, une exposition d'instruments de musique traditionnels et une exposition archéologique avec un squelette du néolithique et des morceaux de colonne romaine ; à l'étage, l'exposition phare sur la construction de Dimitrovgrad. Le visiteur étranger pourra en saisir les grandes lignes, grâce à un panneau traduit en anglais à l'entrée de la salle.
On y apprend que la ville a été construite entre 1947 et 1950 par des jeunes bénévoles des "brigades". Les brigades étaient un mouvement comptant des dizaines milliers de jeunes, qui ont un jour décidé de travailler bénévolement et par pur idéal socialiste sur différents chantiers du pays. L'un de ces chantiers aspirait à créer la ville idéale : ses immeubles, ses parcs, ses routes, son usine d'engrais chimique, son usine de ciment. On inaugure la ville le 2 septembre 1947 et la baptise Dimitrovgrad, en honneur à Georgi Dimitrov (le chef d'État), à la mode de l'époque. À la fin des travaux, de nombreux brigadiers restent à Dimitrovgrad pour travailler dans ses usines.
On lit aussi que les brigades de la fin des années 1940 avaient une vie culturelle active, des groupes de lecture, des tables rondes sur l'actualité politique, des équipes de sport, des arts. Les brigadiers pouvaient également recevoir une formation (maçonnerie, plomberie, dallage, peinture en bâtiment). Les cours du soir avaient beaucoup de succès, car les brigadiers pouvaient ainsi continuer à prendre part dans le processus de production.
Dans les années 1960, le régime a voulu raviver cet esprit en créant de force de nouvelles brigades bénévoles. Ces nouvelles brigades ont moins bien fonctionné, mais elles ont quand même construit deux nouvelles usines de textile et une usine de polyester.
Le deuxième musée est celui du poète Penyo Penev, situé dans l'appartement dans lequel il résidait, en face de la gare. Ce musée était fermé pendant notre séjour à Dimitrovgrad et c'est dommage, parce qu'on aurait adoré en apprendre plus sur la vie de ce poète idéaliste qui, séduit par l'Eldorado de Dimitrovgrad, a rejoint les brigades dans les années 1940. Il s'est suicidé en 1959, à 28 ans.
Dimitrovgrad, ville de gastronomie
Finalement, la cuisine de Dimitrovgrad gagne à être connue. Il y a plusieurs restaurants en ville : le Bistro Mars, et le restaurant Lebeda.
On a été deux fois au Bistro Mars, parce qu'on a oublié de réserver au restaurant Lebeda. La faute est la nôtre : pour un établissement comme le restaurant Lebeda, une réservation est nécessaire. Est-ce que vous oublieriez de réserver chez Massimo Bottura ? On vous recommande donc de réserver votre table quelques mois à l'avance, au cas où vous rateriez votre train. +359 87 783 8300.
En dehors des repas, ou pour le petit-déjeuner, il est commun de voir les habitant·es de Dimitrovgrad s'arrêter à des kiosques dans lesquels on vend des pâtisseries fines locales :
Malheureusement, on n'a pas réussi à en saisir le nom — il faudra qu'on se fie à nos souvenirs pour tenter de recréer ces délicatesses à la maison.
Et quand on a une petite soif, on peut boire une bière artisanale de 2,3 L à 2,40 Lev (1,23 €), parfaite à partager à deux. La bouteille en plastique se casse beaucoup moins facilement si elle tombe que l'équivalent en verre, c'est réfléchi pour. Pour les enfants de moins de 8 ans, qui ne pourraient pas encore en boire, il y a aussi des Fanta colorés : Dimitrovgrad est créative jusqu'à la couleur de ses boissons !
Salutations, camarades, il faut qu'on parte au cours du soir.
— robin & clara