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Un coucou de Bakou
Dix (+2) jours dans la capitale azérie
Quand on s'imagine pour la première fois aller de la Suisse au Vietnam par voie de terre, on ne connaît pas encore les obstacles qui se présenteront à nous. Avec nos passeports suisses, on a quand même de la chance. Pas mal de visas sont très faciles à obtenir ; d'autres au contraire nous font faire des détours.
En cette période sulfureuse — Russie au nord et Iran au sud à éviter, on se voit obliger de passer par le seul couloir qui s'offre à nous : l'Azerbaïdjan. Pour compliquer les choses, le pays a complètement fermé ses frontières terrestres pendant COVID, et ne les a jamais réouvertes (on peut sortir, mais pas entrer). Certain·es nous disent que c'est pour empêcher les Arménien·nes d'entrer, ou peut-être les Russes.
Seule option donc : prendre un vol à Tbilissi qui nous amène directement à Bakou, capitale azérie.
On atterrit
En une matinée, on est complètement dépaysé·es. On s'était habitué·es à nos journées à Tbilissi, à son architecture. Après une heure de vol, on atterrit dans un désert sous un soleil éblouissant.
Le Airport Shuttle prend une autoroute qui nous amène directement jusqu'au centre de Bakou. Les bâtiments grandissent à vue d'œil, et peu à peu on est entouré·es d'immeubles de 20 étages à la mode socialiste, et de l'occasionnel building ultra-moderne.
On marche entre deux routes
Très vite, on remarque que la voiture est reine. Un trajet en taxi ne coûte quasi rien, les routes à trois ou cinq voies s'entremêlent en un dédale difficile à parcourir en tant que piéton·ne.
Depuis la dissolution de l'Union soviétique en 1991, l'Azerbaïdjan a entrepris de nombreux projets d'urbanisation pour rendre la métropole plus vivable. De vieux bâtiments ont notamment été détruits pour laisser la place à des parcs.
À vrai dire, ces parcs ne sont pas encore trop mal. Ils nous permettent de marcher entre deux routes pour arriver jusqu'au centre. Il y a juste deux problèmes.
Premièrement les parcs à Bakou ressemblent à ça.
Avec nos goûts européens, on trouve ça trop froid et un peu triste. Tout est millimétré, le gazon est parfaitement tondu et personne ne marche dessus. L'herbe doit être arrosée, on vous le rappelle, Bakou est dans un désert. Pas très nature.
Deuxièmement, on sent le trafic qui nous entoure. Déjà en termes d'odeur et de bruit, mais aussi en termes de planification urbaine. C'est assez difficile de trouver une façon de traverser la route pour entrer ou sortir du parc sans se faire écraser.
Mais au final, ces parcs améliorent la qualité de vie des habitant·es. On nous dit que les gens sont plutôt contents des améliorations urbaines de ces quelques dernières années. Le dimanche, les parcs sont remplis de familles qui viennent profiter des jeux, faire une balade ou simplement s'asseoir au soleil.
On va juste éviter de penser à ce que ça doit être en été sous 40 °C.
On apprend un peu d'histoire
Le lendemain de notre arrivée, on traverse un de ces parcs pour rejoindre une visite guidée de Bakou. C'est un "Free Walking Tour", c'est-à-dire à base de pourboires où on paye ce qu'on pense être juste à la fin.
Notre guide nous fait traverser les millénaires et met en exergue les différentes puissances ayant traversé l'Azerbaïdjan. Il a successivement été occupé par les Chirvanchahs, les Khanats du Caucase, l'Empire russe, et l'URSS. Ce melting pot se ressent aujourd'hui dans l'héritage architectural et culturel (et culinaire) du pays.
Bakou a été construite dans une région désertique. Dès qu'on sort des limites de la ville, tout est sec et aride. On n'est bien loin des gazons verts qu'on arrose dans les parcs du centre. Mais pourquoi choisirait-on d'habiter dans un environnement aussi inhospitalier ? Notre guide nous donne une réponse simple :
Pour le pétrole.
On s'urbanise
Aujourd'hui, Bakou est une ville moderne et ultra-citadine. Les jeunes aiment se promener sur le boulevard long de la mer, faire du lèche-vitrine au Deniz Mall, se retrouver entre ami·es dans un café au centre-ville.
Potentiellement en lien avec le côté sur-urbanisé et assez luxueux de la ville, on est frappé·es par l'importance de l'apparence physique. La chirurgie esthétique semble normalisée — ou on le remarque en tout cas plus qu'ailleurs. Il est plutôt commun de croiser des femmes au nez fin en trompette et aux lèvres très pulpeuses.
On se sent parfois presque mal avec nos polaires, vestes de pluie et chaussures de marche. Au centre-ville, on attire plus les regards que quelqu'un ayant passé sous le bistouri.
On fait des lessives
Pour essayer de rester un minimum présentables à moindre coût, on fait notre lessive à notre Airbnb.
Depuis qu'on est arrivé·es dans le Caucase, on remarque beaucoup plus de lessive accrochée aux balcons, dans les cours intérieures, ou même sur des fils dans la rue.
On aurait presque dit que par ici, il y a toujours une lessive en cours. Avec des immeubles aussi grands qu'à Bakou, ils ont trouvé une solution pour que tout le monde puisse faire sécher ses habits au soleil : le poteau-à-lessive.
Il s'agit d'un grand poteau (style poteau électrique) installé au milieu de la cour, où chacun·e peut accrocher un fil de lessive relié à sa fenêtre.
Super mais il faut avoir le bras bien long pour étendre sa lessive !
Et bien non, tout a été ingénieusement réfléchi pour que les T-Rex puissent également laver leurs habits. Chaque fil passe par deux roulettes : la première fixée au poteau, la seconde sous sa fenêtre. Il suffit de tirer dessus pour le faire coulisser.
On accroche donc un premier t-shirt mouillé sur le fil (avec des pincettes solides !), on le fait coulisser plus loin, on accroche un deuxième t-shirt, etc.
Après avoir remarqué ce superbe poteau dans notre cour intérieure, on a été obligé·es de le tester. Vous êtes témoins de notre première utilisation de poteau-à-lessive !
On parle français
Maintenant qu'on est propres et frais, une Azérie nous approche de plus près alors qu'on discute à voix basse dans une librairie. (Coïncidence que ça se passe juste après notre lessive ? On ne pense pas.)
E apprend le français et nous propose de se revoir un de ces quatre. Deux jours plus tard, on retrouve E et sa copine F pour manger des pâtisseries avec un peu beaucoup de thé.
On papote, on papote et on est juste impressionné·es par le nombre de langues qu'elles maîtrisent : l'azéri et le russe, le turc bien sûr, l'anglais et maintenant le français.
Elles rêvent de partir étudier à l'étranger et ont envoyé leurs dossiers aux universités les plus prestigieuses du monde. Ça nous paraît loin tout ça — et a-t-on même un jour été aussi ambitieux·ses ? (Réponse : non)
On se balade dans leurs deux quartiers préférés : la vieille ville et le boulevard au bord de la mer. Le vent et la nuit nous enveloppent.
On s'y sent chez nous
Après une semaine dans notre Airbnb du quartier de Statistika, on se sent chez nous.
Le matin on descend la rue Nakhchivani et on prend des pâtisseries à emporter à la boulangerie Almond : qoğal etc. (On vous parlera de nourriture azérie prochainement, promis.)
On prend un café à CoffeeBar 31, à CupCup ou à Botanist, et on écrit nos articles.
À midi on prend un business lunch (deuxième orthographe acceptée : biznes lunch), c'est-à-dire un plat du jour pas cher à une cantine. Ou alors on mange de la fast food turque comme tout le monde.
Dans l'aprèm, on va assez souvent au centre-ville. On a trouvé l'itinéraire à pied parfait qui longe le Central Park puis le Füzuli Park presque jusqu'à notre destination : un autre café, souvent United Coffee Beans ou Baristica.
On fait moins de visites d'autres quartiers qu'à Tbilissi : la ville nous paraît beaucoup plus centralisée et on ne trouve pas trop d'excuse pour s'éloigner du centre. On a même de la peine à trouver les noms de différents quartiers (sauf quand ils sont planifiés) — on dirait que les habitants de Bakou donnent moins d'importance à leur kiez.
Le soir on mange azéri, ou autre pour changer (par exemple, il y a des chouettes restos indiens et pakistanais à l'est du centre). Souvent, on rentre cuisiner à la maison et avancer le paquet de 1,8 kg de riz azéri qu'on a acheté le premier jour. Notre troisième plov est notre meilleur essai.
On finit la journée avec un film à l'appartement. On voit notamment Où est la maison de mon ami ?, notre deuxième Kiarostami — on n'est pas loin de la province iranienne de Guilan où le film a été tourné, et ça nous semble dans le thème.
On essaie de partir
Après dix jours à Bakou (entrecoupés d'une boucle par Shaki et Gandja), on s'apprête à repartir. L'étape qui suit est l'une des plus compliquées de notre parcours : traverser la Caspienne en ferry jusqu'au Kazakhstan.
On vous épargne les détails ici (on en fera peut-être un petit article), mais l'idée est que les ferrys servent au transport de camions (pas de passagers) donc ce n'est pas trop prévu pour nous.
Il n'y a pas de dates ou d'heures de départ, il faut téléphoner au port le matin-même pour savoir si un ferry part ce jour-là. Couplez ça avec le fait que c'est aujourd'hui difficile de prolonger un séjour dans un hôtel à la dernière minute, et on finit avec une situation où si un ferry ne part pas le jour de notre check-out, on doit chercher un nouvel hôtel pour une nuit — et répéter la manipulation chaque jour jusqu'au prochain ferry.
Le jour de notre départ planifié, c'est l'orage, et tous les ferrys restent au port. En attendant le prochain départ, on change d'hôtel deux fois, et on tue le temps comme on peut pendant deux jours bonus à Bakou.
Finalement, un ferry doit partir cette nuit — on se retrouve de l'autre côté de la Caspienne !
— clara & robin Tous les cafés de la ville, on a l'impression, ont plusieurs enseignes en ville, toujours avec beaucoup de staff et des menus de 15 pages. On est loin du petit café tenu par un·e passionné·e, ici ça fait très gros investissement. ↩Footnotes